Tous les experts vous le diront : l’intelligence économique est une aide à la gouvernance indispensable aux dirigeants aujourd’hui. Quand on a dit ça on a tout dit … ou plutôt on n’a rien dit !
Intelligence économique, la gestion de l’information ?
Quand un consultant me propose des prestations de transformation numérique, je vois très bien de quoi il s’agit. Quand il me propose un accompagnement commercial, marketing ou ressources humaines, je comprends de quoi il s’agit. Et surtout quelle sera la plus-value pour mon entreprise et l’impact potentiel sur mes revenus.
En revanche (soyons honnêtes), lorsque l’on parle d’«intelligence économique» (IE), qui peut deviner que l’on parle (tout simplement) de « gestion de l’information » ? L’IE qui adresse la veille, la gestion des connaissances, la sécurité économique et la communication stratégique subit une mauvaise importation anglophone de « business intelligence ». Et d’une phobie gauloise du «renseignement économique». Sans mentionner les spécialistes qui maintiennent ce flou afin de vendre une expertise accessible uniquement à quelques élus. Pendant des années, ce flou a généré un blocage voire une aversion de l’IE dans les TPE/PME.
Venons-en donc au fait ! L’exploitation de l’information (stratégique, sensible, confidentielle, à votre guise…) doit vous permettre de prendre vos décisions tactiques et stratégiques en disposant d’une compréhension de la situation économique actuelle et des évolutions potentielles (la «situation awareness» pour les militaro-anglo-philes). On parle alors de prospective et non pas de prédiction ou d’anticipation que nous laisserons aux auteurs de science-fiction.
Car toutes les techniques de prospectives ont pour but de vous présenter le panel des futurs possibles. Et toutes sont bonnes si l’on admet qu’aucune n’est en mesure de prédire le futur à 100%. Les grands stratèges peuvent se fier à Napoléon qui confesse « je n’ai jamais eu de plan d’opération ». En effet, un plan immuable, ainsi qu’une vision rigide de l’avenir tout comme une stratégie figée mènent à l’échec.
Les supers pouvoirs des signaux faibles
Dans une vie passée, j’ai pu expérimenter l’analyse des hypothèses concurrentes (Analysis of Competing Hypotheses) et je garde une appétence pour cette technique qui s’est avérée fiable. Je vais donc m’appuyer sur cette connaissance pour démystifier les supers pouvoirs des signaux faibles.
Question sémantique 1 :
un « signal » est un fait, un évènement ou un dispositif destiné à avertir, prévenir ou annoncer quelque chose. Le signal est donc un émetteur, il est actif. Or dans le cadre de notre veille stratégique, les détails que nous relevons dans un article de presse, sur le site d’un concurrent, ou lors d’un échange avec une source humaine, n’émettent rien. Ils sont des indices fondus dans une grande quantité d’informations. (nota : ici la source humaine n’est pas à prendre au sens d’une personne qui crie à tout va qu’elle envisage une fusion acquisition avec votre fournisseur, mais bien comme une information transmise sans volonté de nuire lors d’une conversation anodine).
Question sémantique 2 :
le signal n’est pas « fort » ou « faible ». Il est présent ou il ne l’est pas ! L’épaisseur du brouillard dans lequel l’indice est dissolu ne le rend pas plus fort ni plus faible. Seules votre capacité d’analyse et votre connaissance du sujet détermineront la force de l’indice et sa criticité.
Pour cette raison je préfère parler d’indicateur d’alerte (IA) plutôt que de «signal faible». Ce court biais cognitif nous permet d’avoir une approche différente et plus proactive de la veille, de sa fonction analyse et surtout, de son impact sur la prise de décision pour le dirigeant.
Afin d’être considéré comme critique, un indicateur doit cumuler six critères :
– Précoce : l’activité détectée doit l’être suffisamment tôt de façon à déclencher des actions à temps
– Fiable : l’indicateur doit être sûr – il doit clairement démontrer l’activité que vous anticipez
– Possible à collecter : l’information doit être accessible, de façon légale
– Identifiable : désigne de façon exclusive l’activité en cours. Il peut être discriminé des autres indicateurs
– Révélateur : l’indicateur mène le veilleur vers un scénario. Le veilleur peut prendre une décision en s’appuyant sur cet indicateur
– Sans ambiguïté : l’indicateur cible un évènement défini. S’il identifie plusieurs scénarii cela va mener à la confusion.
Exploitation des signaux faibles, ou indicateurs d’alerte
Venons-en à présent à l’exploitation de ces indicateurs d’alerte : l’analyse des hypothèses concurrentes vous a permis d’identifier trois scenarii de futurs possibles (se contraindre à 3 permet d’éviter les scenarii rocambolesques). Cette méthode étant itérative et agile (revoir la référence à Napoléon supra), vous mettrez à jour vos scenarii de façon régulière.
Votre solution de veille et son travail d’analyse intrinsèque vous permettront de déceler les indicateurs d’alerte. Grâce à ces indicateurs critiques vous pouvez à présent confirmer ou bien infirmer un scenario anticipé. Le traitement des IA vous permet à présent de valider une stratégie probable et d’exclure une stratégie invraisemblable.
Avoir un coup d’avance !
Nous ne sommes donc pas dans la prédiction mais bien dans la confirmation d’une tendance anticipée puisque l’indicateur est un fait réel, concret et avéré au moment de sa découverte. Dès cet instant vous êtes en possession d’informations capitales sur votre environnement. Vous êtes en mesure de prendre des décisions stratégiques avec plus d’assurance, voire avec un coup d’avance !
Voici un exemple type dans lequel chaque petit carré représente un indicateur :
exemple de veille concurrentielle
En conséquence, faites de la veille, anticipez les évolutions de votre environnement économique et confortez vos choix stratégiques ! Passez ensuite à l’étape suivante et challengez votre cellule de veille avec une «RedTeam». Puis mettez en place les « rapports d’étonnement ». Vous serez surpris !
Car l’intelligence économique n’est pas une conception académique, c’est bien un outil d‘aide à la décision, et les indicateurs d’alerte sont les cyalumes qui éclairent les pas du dirigeant.
Nota : le vocabulaire évolue en janvier 2016 lorsque la D2IE (délégation interministérielle à l’intelligence économique) fait place au SISSE : service de l’information stratégique et de la sécurité économique.